Dialogues et cultures n°62
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Les pratiques linguistiques sont des pratiques sociales infiniment variées et variables dont l’hétérogénéité est une caractéristique fondamentale. On peut en rendre compte sous la dénomination de pluralité linguistique: au sein d’une « même langue » ou entre « langues distinctes » pluralité des usages et des formes, des interactions, des relations, des situations de communication, des contextes sociaux et culturels, des personnes et des groupes, etc.
De ce point de vue, les politiques linguistiques peuvent être analysées, au final, comme des actions portant sur la pluralité linguistique, pour tenter de la prendre en compte, de l’organiser, de la limiter, de la contrôler, voire de l’éliminer ou de la promouvoir. Dans la perspective théorique dite glottopolitique, il n’y a pas que les institutions (les instances glottopolitiques) qui mènent des actions de politique linguistique théorique et pratique. Les locuteurs individuels ou collectifs sont considérés comme des agents glottopolitiques, dont les comportements, discours et usages sociolinguistiques sont des actes de politique linguistique « in vivo ». Les actions des instances et des agents glottopilitiques sont parfois convergentes ou complémentaires, parfois divergentes ou contradictoires. Des phénomènes de domination, d’hégémonie, de dirigisme, de laisser-faire, de résistance ou d’auto-gestion critiques y sont notamment à l’œuvre.
On peut dès lors analyser comme des politiques linguistiques les politiques linguistiques éducatives des instances glottopolitiques (institutions et organismes divers) ainsi que notamment les actions glottopolitiques des agents, enseignant-e-s (et autre professionnel-le-s de l’éducation et apparenté-e-s) et apprenant-e-s (et leur entourage professionnel, familial, etc. selon leur situation).
Dans la perspective interculturelle qui constitue l’orientation principale de la revue, ce numéro de Dialogues et Cultures réunira des textes portant sur la prise en compte (ou non) de la pluralité linguistique et culturelle dans l’enseignement-apprentissage du français dans le monde. Les textes devront être centrés sur :- des témoignages et analyses des bases, enjeux et effets glottopolitiques des pratiques d’enseignement-apprentissage du français dans des contextes divers, aussi bien du côté des pratiques des agents (acteurs sociaux individuels et non institutionnels) que de celles des instances (institutions et organismes officiels),
- des expérimentations (au sens ordinaire du terme) sur le terrain et/ou des propositions d’interventions didactiques agissant explicitement ou implicitement, directement ou indirectement, sur le rapport à la pluralité linguistique,
- des présentations et analyses de dispositifs globaux de politiques linguistiques dans leurs enjeux éducatifs, au niveau d’organisations internationales, d’Etats, de systèmes éducatifs, d’établissements d’enseignement, de programmes, etc., aussi bien du côté des agents que des instances,
- des regards critiques sur ce que l’on pourrait appeler des incohérences, voire des postures de surface ou de véritables impostures quant à une prétendue prise en compte positive de la pluralité linguistique et culturelle dans l’enseignement-apprentissage du français, aussi bien du côté des agents que des instances.
Volume coordonné par Philippe Blanchet (université Rennes 2, France)