Le français discipline singulière, plurielle ou transversale
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Québec : É. Falardeau, C. Fisher, C. Simard et N. Sorin (Éds, 2004). Le français : discipline singulière, plurielle ou transversale ?
É. Falardeau, C. Fisher, C. Simard et N. Sorin (Éds, 2007). La didactique du français. Les voies actuelles de la recherche. Québec : Presses de l’Université Laval.Introduction
Dans la conjoncture actuelle, nous assistons, dans les principaux pays francophones, à des débats et des réformes touchant la configuration du français, discipline scolaire, qui interpellent autant les chercheurs que les principaux acteurs des milieux de l'éducation, les enseignants comme les formateurs. Le thème de notre 9e colloque pose donc le problème fondamental de la composition et de l'articulation de la discipline « français », de son actualisation dans les dispositifs d'enseignement-apprentissage, de ses finalités, de ses liens avec les autres matières scolaires et, finalement, de son avenir dans l'institution scolaire.
Le français constitue une discipline scolaire à la fois pluridimensionnelle et imprécise, tant du point de vue des savoirs investis que de celui des référents culturels impliqués. C'est ce que rappelle Halté (1993) en ajoutant qu'à la différence des enseignements scientifiques, il n'y a pas de correspondance précise entre le français comme matière scolaire et le découpage des savoirs savants. Cela crée une sorte de « dispersion des matières du français » qui sont ainsi toujours sujettes à remaniement.
Au fil du temps, le « français » et ses diverses composantes (grammaire, vocabulaire, compréhension et production de textes, communication orale, littérature, etc.) ont vu leur contour et leur contenu constamment redéfinis. Sous l'influence d'attentes sociales nouvelles, de changements affectant l'éducation - entre autres, la remise en question des modèles d'enseignement/apprentissage dominants - tout comme des avancées des disciplines contributoires et de la réflexion didactique, on a vu se transformer les objets d'enseignement aussi bien que les pratiques et les méthodes et même les finalités. Selon la place accordée aux diverses composantes reconnues de l'enseignement du français et selon la manière de penser leur interaction, la classe de français a pris différentes configurations allant dans le sens du cloisonnement ou de l'intégration, la tendance actuelle étant de miser plutôt sur la globalisation et l'interdépendance de ses composantes, tout comme sur les liens entre le français et les autres disciplines.
Dans la justification de ces changements qui ont marqué la structuration de l'enseignement du français, des préoccupations liées au sens, au transfert, et plus récemment à la compétence ont été tour à tour mises en avant et méritent d'être examinées. La question du sens renvoie à la classe, à la pertinence des activités qu'on y mène et à l'intérêt que les élèves leur accordent. À un autre niveau, elle subsume également l'opposition à la base du langage entre la forme et la signification et se trouve régulièrement mêlée aux débats qui opposent la pratique de la langue et les connaissances sur la langue, la communication authentique et les situations scolaires, les savoirs et les compétences, le global et le spécifique, etc. La notion de transfert a été au centre du discours pédagogique des dernières années et est évoquée aussi bien à propos des différentes composantes de la classe de français (ce sera, par exemple, la capacité d'appliquer ses connaissances grammaticales en situation de rédaction de texte) qu'à propos du rôle du langage dans l'acquisition des savoirs et des savoirs-faire propres aux autres disciplines. La notion de compétence, qui domine le paradigme éducationnel récent, tente de saisir l'ensemble des savoirs, savoir-faire et savoir-être mobilisables dans l'action, et se trouve associée à une perspective transversale de l'enseignement/ apprentissage de la langue. Le principe de transversalité déplace l'attention de l'intérieur de la discipline « français » vers l'extérieur, en faisant voir la langue dans l'institution scolaire surtout d'après l'influence qu'elle peut exercer sur la réussite des élèves dans les diverses disciplines. Si l'on peut se réjouir de ce mouvement de reconnaissance de l'importance de la langue dans le curriculum, il est permis de s'interroger sur les fondements et les conséquences d'une telle orientation, surtout suite à l'adoption du programme d'études du cycle 3 de l'école primaire en France, qui n'identifie plus le « français » comme une discipline autonome dans le cursus scolaire.
Le thème de ce colloque nous amène donc à examiner l'état actuel de la discipline « français » à l'heure où, à l'interne, on cherche une meilleure interaction entre ses composantes et une plus grande intégration de ses activités, et où, à l'externe, des forces l'orientent vers la transdisciplinarité. En plus d'une analyse des tenants et aboutissants de ce qui se profile comme une nouvelle configuration de la discipline, ce thème vise à susciter le partage et la discussion de données de recherches empiriques susceptibles d'orienter concrètement l'action didactique. Autrement dit, il s'agit de mieux comprendre le champ de la discipline pour mieux y agir.
Le thème de ce colloque peut être exploré selon deux grands axes : celui de la structuration interne de la discipline et celui de ses relations externes, chacun de ces axes pouvant accueillir plusieurs points de vue : point de vue de la discipline scolaire (épistémologie et histoire), point de vue des représentations et des pratiques des principaux acteurs (enseignants, élèves, formateurs), point de vue de l'enseignement et de l'apprentissage.